vendredi 30 août 2013

KANUMERA A DEMAIN, TATA, DISENT LES KANAKS

poisson roulé comme une balle

sentinelles du matin



Ma fragrance d’herbe mouillée, mon aile, mon éclair, ma soie, mon île, ma paix, ma merveilleuse, ma musique, ma chanson, ma page blanche, ma muse, ma maison, ma source d’eau vive, ma fontaine, mon horloge, mon rire, ma joie,




Et le pêcheur raconte.

Il y a des histoires qu'on ne peut raconter qu'en chantant. Parce que c'est comme ça qu'elles sont vraies.



"Elle mange du riz du poisson

Brûle la vie par les deux bouts

Traverse les touffes de bambous

Avec l’appétit d’un lion



Quand elle est née y avait rien

Pas d’océan pas de lagon

Sur sa bouche pas de bâillon

Ses yeux verts ses lendemains



pêcheur en vol
Elle embrassait les garçons

Elle fuyait les maisons

Maintenant elle a des chansons

Les fait vivre de ses crayons



Elle met n’importe quelle robe

Des sacs des jeans des tissus

Conduit comme suspendue

Sur tous les chemins du globe



Aujourd’hui sur ses papiers

Pas de photo d’identité

Des poèmes et des romans

Et son appétit gourmand

kanumera

Elle s’assoit sans un sou

Fouille son sac à genoux

Allume une cigarette

Dans ses yeux brillent les paillettes



refrain

Si tu veux la voir

Faut lever les yeux

A l’heure où dans les cieux

Les étoiles viennent boire

Si tu veux la voir

Faut payer ta place

Les mains sur ses hanches

Elle chante et crie l’espoir"

kanumera

kanumera


" Et le pêcheur raconte

"Tu vois, elle est comme moi. Elle regarde au loin, elle s'assoit et regarde au loin, elle attend, elle voit, elle entend, et puis soudain elle se lève et se met en marche. Et moi je suis là, tout près ou très loin, et j'attends, je regarde, et j'écoute, et puis soudain je me lève et je me mets en marche. Un vers l'autre nous allons sans cesse, inlassablement. Elle chante, et moi je regarde le fond de l'eau. Elle avance et moi je nage. Ensemble, tout à côté l'un de l'autre et à l'autre bout du monde, ensemble chaque seconde, nous allons. Nous regardons le même ciel, nous éclairons la même route, nous nous aimons comme nous nous aimons, tous les deux de la même façon. Nous nous parlons sans arrêt,avec les yeux, avec les mots, avec les doigts, avec la peau, avec l'esprit, nos murmures n'ont pas de fin, nos chuchotements abreuvent nos souffles. Nous sommes la vie pour l'autre, et nous nous donnons tout entier, sans le vouloir, sans le savoir, sans le dire. Elle est mon île, mon océan, mon bel oiseau, mon fruit, ma chanson, mon aile, ma vie. Notre histoire n'a pas de fin. Nous sommes ensemble pour toujours, depuis toujours."


pêcheur à l'arrêt
Demain le bateau pour Nouméa.

L'île des Pins, Kunie, à quand?

Kanumera, à quand?

On ne se quitte pas. On ne peut plus se quitter jamais. Rien ne pourra nous séparer. Cette histoire nous lie maintenant à jamais.

Dur,C'est dur de partir. Chaque fois c'est dur. Plus dur? Je ne sais pas.

"Porter le chagrin des départs"
"Partir où personne ne part"
 dit Jacques Brel.

A toi à qui je parle, à toi à qui j'écris,

A demain

ATTENDRE "SE DAMNER POUR L'OR D'UN MOT D'AMOUR"

Méduse abandonnée

Eponge abandonnée

Algue abandonnée
 Mon île, ma nuit, mon sommeil, ma déferlante, ma pierre précieuse, ma perle, ma surprise, ma merveilleuse, mon doux bruit de la mer la nuit, ma symphonie



Et le pêcheur continue son histoire



« Alors mon garçon …
Palétuvier abandonné
Porcelaine abandonnée
« J’ai attendu tu vois ? Je l’ai attendue ici, où tes pieds massent le sable. Je me suis assis et j’ai attendu. Mes yeux sur l’horizon. Je ne savais pas ce que je faisais. J’étais heureux. Je savais qu’elle était là, dans ce monde. Je ne savais pas que j’attendais. Elle pouvait surgir à tout moment. Je ne pouvais pas ne pas être là. J’ai tellement regardé la mer, j’ai tellement regardé le fond de la baie pour y chercher le poisson. J’ai tellement regardé, scruté sans impatience, sans ennui, sans dépit, sans colère. J’ai tellement su toujours qu’il y a chaque jour dans le même fond de la plage du renouveau toujours. De nouvelles traces, de nouvelles arrivées. Qu’il y a eu des départs aussi, dans la nuit, avec la marée. J’ai tellement espéré tous les matins, avec la même confiance en la mer, j’ai tellement découvert chaque matin ce que je n’espérais pas, ce que je n’espérais plus. J’ai été tellement surpris chaque fois, le sourire me venait toujours avant et après. J’étais assis et je regardais l’horizon comme je regardais le fond de l’eau. Je souriais. Tu vois elle est là. Elle est là-bas et elle vient. Attendre avec la mer pour respirer. Attendre avec la lumière pour t’habiller. Attendre et regarder le jour et puis la nuit, et puis le jour. Attendre les signes qui laisseront des traces. Savoir qu’elle t’écrit et qu’au matin ce que tu trouveras dans le sable t’indiquera sa position, sa halte pour dormir, la douceur de son refuge ou la lutte contre le froid. Attendre qu’une trace te confirme que tu avais raison de lui envoyer de la chaleur cette nuit, de lui envoyer  de la force pour guérir le mal qui lui tordait le ventre. Attendre et suivre le pêcheur solitaire qui voit sans doute plus loin que toi. Tu vois, le clan Pêcheur quand il part chercher la tortue, s’il ne trouve pas de trace sur le sable le matin, il ne partira pas pêcher. Attendre et lire les mots d’amour qu’elle a cachés dans l’ombre de la nuit. Je ne me posais jamais de questions. Personne ne m’a jamais parlé comme elle me parlait. Je l’entendais, toujours, j’entendais ses belles phrases, ses jolis mots. J’entendais tous ses pas résonner dans le monde, tous ses gestes tordre l’air et brouiller l’horizon. J’entendais sa chanson, sa voix, sa musique. J’étais heureux. Je l’entendais, je la voyais, elle arrivait. Combien d’années ? De quoi, de mois ? D’années ? De quoi, je ne sais pas. Elle avait dit un jour « c’est une promesse », alors j’étais heureux, que cette femme que j’attendais m’aie fait cette promesse. Oui mais c’est quoi le bonheur ? Je n’en savais rien non plus. J’étais heureux mais je ne savais pas que je l’étais. Parce que quand elle est arrivée … mes yeux se sont mis à couler. Et là j’ai compris que je n’avais encore rien vécu. Que tout allait commencer. »



Pêcheur solitaire

Quelques jours et soudain le dernier.



A toi à qui je parle, à toi à qui jécris,


A demain

jeudi 29 août 2013

POUVOIR GARDER LES YEUX OUVERTS




Ma merveilleuse, ma plage, ma mer, ma vague, mon amour, mon poisson, mon île, mon étoile, mon histoire, petite fleur, mon étincelle, garde toute ta lumière vivante






Il y a des contes qu’on murmure, qu’on ne dit pas plus fort qu’un chuchotement.  On les dit du bout des lèvres parce que c'est de cette façon qu'ils sont vrais..



Le filet tombe dans la barque et le pêcheur s’éloigne. La pirogue glisse en silence. Le soleil éclaire faiblement de loin les contours de l’île. Bientôt le tout petit esquif n’est plus qu’un tout petit point. La lumière augmente et l’air tout entier frissonne. Le garçon resté sur le sable de Kanumera écoute l’écho de l’histoire que le pêcheur murmurait.
« Cette femme que j’attendais sur la plage, je l’avais vue en rêve. Mais je n’avais aucune idée de ce qu'elle serait. Elle marchait vers moi comme sur un tapis. La lumière autour d’elle enflammait les couleurs. Plus rien ne ressemblait à la réalité. Les verts, les rouges, les bleus, se mêlaient dans des couches que je n’avais jamais imaginées. Elle avançait sur ce tapis et ses yeux étaient fixés aux miens. Je ne voyais rien d’autre. Elle était loin, ils n’étaient que deux petits points. Ils s’agrandissaient lentement et je ne sais plus s’ils m’enveloppaient dans leur douceur ou si je plongeais dans une planète inconnue. J’avais envie de danser, de pousser des cris de joie, de hurler, de courir vers elle, de rire, de pleurer. Mais je ne bougeais pas. Et elle avançait. Ses pas, ses pieds, ses hanches, son maigre petit sac qui ne contenait rien, ses cheveux, ses boucles d’oreilles, avançaient avec elle et balançaient en silence dans l’infime mouvement que mes yeux détectaient.
Voir, voir, voir, voir encore avec mes yeux d’hier, et voir soudain avec ceux de demain. Voir comme si je ne savais rien. Voir comme si je n’avais jamais vu. Voir avec les yeux d’un jour, d’un an, voir et ne pas laisser mon esprit m’expliquer ce que je vois. Voir comme on boit la première goutte d’eau après un long désert. Voir l’invisible qu’elle froissait dans sa démarche et voir l’esprit qu’elle m’offrait dans sa marche vers moi. Voir cette chaleur qu’elle irradiait tout autour d’elle, la prendre et ne plus jamais vivre autre chose. Voir, voir, voir comme si je n’existais plus. Alors j’ai vu grandir la réalité, son corps, tout proche, ses yeux tout près, le sac lâché et j’ai compris le fond de l’océan, les hauteurs du cosmos, la fulgurance de l’étoile, l’éternité de l’univers, la naissance et la mort, la vie.
 






"Alors, tu vois ...





"Le fond, la surface, les traces, l'invisible.






"Le fossile, la sculpture, le portrait.












"Dessiner ce que j'ai vu. Te dessiner te peindre, t'éclairer, te voir, te voir.











"La nuit, la vague a sculpté le jour d'aujourd'hui.







"Depuis j'essaie de retrouver ce qu'il s'est vraiment passé ce jour-là, ce que j'ai vu. Ce qu'elle était. Mais je ne suis pas pressé de retrouver cet instant. Je cours après le prochain qui m'ouvrira à nouveau les yeux."


A toi à qui je parle, à toi à qui j'écris,

Le temps,

Qu'est-ce que le temps,

Qu'est-ce que tu vois,

Quand,

A demain

mercredi 28 août 2013

EN KUNIE KANUMERA SIGNIFIE "CE QUI VIENT DU FOND DE L'AMOUR"

Mon île, mon vent, ma douce nuit, ma belle lumière




Kunuera qui veut dire Mon amour.


De ce qui est au-dessus à ce qui est dessous. De l'infiniment grand à l'infiniment petit. Kanumera se dresse comme une nature puissante et indéfectible.

Derniers jours sur l'île des Pins. Dernières images qui tentent de donner à voir la plus belle plage du monde. Oui.



Envahie quelquefois comme aujourd'hui par les passagers d'un paquebot australien. Déserte à certaines heures. Elle fait sa loi.


La marée invite puis chasse les amateurs de bronzage. Mais le matin, celui qui est né ici, a toujours l'oeil aiguisé sur la couleur de l'eau et le frisson des bancs de poisson. Puis il pêche. Et éternellement peut-être il sortira de cette baie la nourriture nécessaire à la famille, au clan. Il distribue et chacun mange.
 Le Kunie est une belle langue. Elle chante de la gorge au nez, plus de trente voyelles. Presque pas de consonnes. Quoi de mieux pour chanter. Et surtout les noms sont de vrais poèmes. Il faut écouter les anciens raconter la signification des prénoms portés et prononcés quelquefois et de plus en plus sans en saisir le sens.


Kunie est le nom de l'île des Pins. Le Kunié sa langue.
 Et le pêcheur raconte.

"Le garçon était là, tu vois, et quand elle est arrivée il a juste souri. Il lui a dit "il y a longtemps que je t'attends". Elle lui a répondu "je n'ai jamais fait ça" et lui "moi non plus"". Ils n'osaient pas s'approcher l'un de l'autre. Ils se regardaient simplement. Lentement leurs doigts se sont levés pour se toucher, se sentir. Ils tremblaient tous les deux. Au-dessus des cocotiers un léger souffle de la brise qui se retournait a balayé leurs cheveux. Ils ne voyaient plus qu'eux. Elle a pris de son pied une légère position d'avance et il a tourné ses hanches pour l'accompagner. Au loin derrière eux la Kanaky bruissait d'un remous de la marée qui monte.

Ils sont restés longtemps ainsi dit le pêcheur. Ils laissaient l'attraction grandir.
Et quand ils se sont envolés, ils oscillaient ensemble, deux graines emportées par le vent."
Nourriture de toujours l'amour. Kanumera.
A toi à qui je parle, à toi à qui j'écris,

l'histoire n'a pas de fin




A demain

mardi 27 août 2013

SYNOPSIS DU COURAGE

KANUMERA

L'ARRIVEE

LE WARF

LA BARQUE A PHILEMON


Les voyages pourtant innombrables des mélanésiens d’une île à l’autre sont compliqués. Bateau ou avion, c’est cher, même pour les résidents. Les places sont convoitées par tous, et les files d’attente sont longues.
Se déplacer ici pour rentrer chez soi ou pour aller faire des provisions sur Nouméa, c’est la galère.

KANUMERA


SYNOPSIS DU COURAGE

"Elle a écouté le messager qui venait lui parler. Il venait lui porter une lettre que le garçon lui avait confié. Pour elle. Une lettre pour elle.

"...


 Je te cherche partout. Dans mes yeux, dans le miel qui caresse ma langue à chaque bouchée d’un nouveau jour, dans les mots des chansons qui s’échappent des vitres moitié ouvertes des voitures qui filent, dans les halos oranges des réverbères, à la tombée de la nuit, dans le grain à peine perceptible de mes doigts sur mes doigts, dans le va-et-vient de l’air dans mes poumons, dans le balbutiement du sang qui abreuve mes idées, dans l’éveil prolongé, enivrant, euphorique, dans le plomb du sommeil qui me tue quelques minutes, dans la symphonie des vins qui soulignent la limite de mon verre, dans le cyclone transparent des jours qui viennent, dans le fleuve qui coupe mes pieds, dans le poisson frileux qui tremble sur le sable et meurt, dans l’œil d’une tornade de rire qui nous secoue.
Je te trouve partout.
Te parler, te parler, te parler. Te retenir pour te parler. Non, attends. Oui je sais. Non attends. Te parler, j’ai tant de choses à te dire. Pourquoi dois-je le faire comme si c’était la dernière fois?  Pourquoi cette peur de ne plus te revoir quand tu t’en vas ?
Le courage.
C’est ce truc accroché, chiffon gris, à la branche cassée du palétuvier, qui s’effiloche, brassé et essoré par la marée qui monte et redescend ? Non, ça c'est le démon. C'est le médicament soufflé dans ton oreille par tous les vieux du clan.
Non. Le courage c’est ce galet sacrément posé par la marée sur la berge de l’estuaire, et qui fait briller les multiples éclats de ses matières, polies  inlassablement, douces pierres précieuses. Quand la vie t’arrive comme un coup de fouet tu regardes à gauche, tu regardes à droite, et tu décides de ne pas laisser passer le vent. Ta peau y gagnera quelques trainées de sang quand il faudra plonger les bras dans le cambouis, mais ton cœur bondira sûrement bien plus haut que prévu.
Alors ma merveilleuse, ton courage m’éblouit tous les jours. Ta force m’éblouit tous les jours. Viens.
..."

Quand elle va chercher son billet pour prendre le bateau, elle n'a plus rien sur elle, pas de papiers, pas de bagages. La négociation au guichet est compliquée, difficile. Les blancs dans la queue râlent, et se lâchent à broyer des insultes à tous ces kanaks, tous ceux qui comme elles croient qu'on achète un billet sans carte d'identité... Elle l'a. Enfin. Un peu d'eau les sépare. Derrière elle une rumeur commence à gronder. Elle entend la guerre qu'elle devra mener, réveiller la tribu. Les femmes se regroupent. Les hommes se regroupent.
Le courage. Elle respire en détournant les yeux vers l'eau sur laquelle elle embarque. "


Comment ça va se passer. A partir du travail fait cette semaine avec Maurice, une histoire commence. Un peu de lui, un peu de moi, un peu de l'île, un peu de la tribu, un peu du flux de toutes les vies parallèles que tout cela suppose, un peu de la force de nos esprits et l'histoire du clan Pêcheur prend forme, avec beaucoup de ma chair, beaucoup de mon sang, beaucoup de la poussière de l'étoile qui me guide, poussière d'argent, poussière de ma galaxie, vent vivifiant, lumière lumineuse.




A toi à qui je parle, à toi à qui j'écris,

A demain