lundi 21 février 2011

PHILIPPE GROSPERRIN - ECLAIRAGISTE

Il y a parmi tous les compagnons proches de nos créations, celles et ceux qui composent l'équipe de conception. C'est le mot juste. Même s'il semble un peu mental, ce mot désigne bien le travail qui nous rassemble.

La naissance d'un projet?

J'ai dans mes rêves et dans ma mémoire une liste ininterrompue de textes et idées qui se volent mutuellement la place. Parfois un signal se déclenche. La distribution - et je dis là les comédiens - est prête, maintenant. C'est le moment. Le moment qui peut-être ne reviendra plus ... avant ... ?

Donc je donne soudain la priorité à un texte ou une idée et je transmets. Aux concepteurs d'abord. La lumière, Philippe, Alexandra pour les costumes et François pour la scénographie. Je donne les premiers éléments constitutifs et nous passons à la conception. Ensemble nous tentons de suivre les fils conducteurs que j'ai pu mettre sur la table et ensemble nous tentons de concevoir ce qui va nous guider. Ce qui va nous conduire à la réalisation. Toutes les contraintes de budget, d'espace et de lieu de création et de tournée font leur travail de sélection. Les propositions s'éliminent ainsi devant les contraintes et petit à petit les solutions s'imposent. La logique du devenir scénique apparait. Elle est là. Le spectacle a maintenant sa propre vie. Chacun, les costumes, la scéno, la lumière a maintenant sa propre lecture, ses propres codes et outils. La conception s'est amorcée. Nous pouvons maintenant parler aux comédiens. Leur montrer l'espace dans lequel je vais les mettre en scène. Leur montrer le style et le genre des costumes qu'Alexandra va amener au fil des jours. L'espace ...

J'ai rencontré Philippe en 1997. Le Théâtre de Nîmes m'avait passé commande de l'écriture et la mise en scène d'une pièce de 20 minutes. J'ai écrit "Plutôt la vie Mélanie". Une pièce qui raconte l'histoire d'une fille qui passant une frontière, passe aussi ainsi à la fouille, et se fait démanteler au propre et au figuré. Les douaniers lui scient les bras et les jambes pour contrôler. Il ne restera d'elle qu'un chariot avec tous ses membres entassés les uns sur les autres. Les comédiens étaient, Katy, Yvon Poirrier et Christine Heitzmann. Philippe est venu voir le spectacle. Nous avons parlé ensemble avant et après. Nous avons posé entre nous les règles qui régissent notre façon de travailler l'un avec l'autre. Depuis Philippe éclaire nos spectacles.

C'est un immense plaisir de travailler avec lui. Vous savez ou peut-être vous ne savez pas, la lumière, c'est quelque chose de tout neuf au théâtre. Elle est née avec l'invention de l'électricité. Et l'éclairagiste est un artiste tout neuf aussi. Né avec l'électricité, mais aussi le cinéma, et tout ce qui fait aujourd'hui le spectacle vivant. Et aussi, tous les "effets". Et c'est difficile parce que c'est un poste où la personne peut prendre le "pas", le "pouvoir" sur tout le spectacle. L'entente avec le metteur en scène doit être parfaite pour que l'équilibre de ce pouvoir soit rendu avec humilité, poésie, art et générosité, talent et magnificence à l'auteur, le poète, par le transfuge des acteurs. Et Philippe est de ceux qui s'effacent devant l'auteur et les acteurs. Il leur rend grâce. Il les sublime. Il a l'intelligence du texte et du mouvement. C'est un dramaturge. A sa manière il écrit dans le noir avec ses fils de lumière.

Et ça nous entraîne tous les deux dans une liberté, une liberté de création qui donne le vertige. Quelquefois on se fait peur. Il y a une vraie peur dans la création. Ces moments où on se dit mais qu'est-ce que je fais?

Mais ça marche. On avance ensemble et on va quelque part. C'est une belle certitude. C'est celle qui redonne sa place aux projets, qui justifie cette incessante quête. Un autre spectacle, un autre spectacle, ...

Merci Philippe d'être aussi efficace, discret, intelligent et généreux ...