jeudi 21 août 2014

OUI JE SAIS. MOI AUSSI...

Comme dans "Lettre des îles Baladar" de Prévert, une île c'est aussi une poignée de terre, et, tout autour, de l'eau, qu'il faut traverser, pour y aller, pour revenir.

CLAN PÊCHEUR

 Extrait... La traversée, le Pacifique, l'Océanie, un monde d'îles...


Une île c'est aussi ça, passer d'un monde à l'autre. L'île c'est aussi ça.
De Nouméa à l'île des Pins, c'est passer aussi d'un comportement à un autre. Simon n'est pas le même à Nouméa qu'à l'île des Pins.
- Il faut y aller. Prendre le bateau. Prendre l'avion.
- De la Grande-Terre, tu vas jusqu'au port à Nouméa. Heures d'ouverture des bureaux. Files d'attente. Pièces d'identité. Payer. Tu payes le prix fort. 
- Le départ du bateau c'est toute une foule qui cherche toute l'autre foule de la famille, des compagnons, des amis, des cousins, des frères. Et les glacières, les glacières pleines des courses de produits de base qui sont trop chers sur l'île. Tous se retrouvent et font que la traversée sera une surprise pour échanger avec ceux qu'on a pas vu depuis... 
- A l'arrivée dans la baie de Kuto, sur le grand quai, c'est toute l'île qui est là. Qui attend la famille pour repartir en tribu, qui attend les marchandises dont le coût se trouve multiplié par deux. Mais toute l'île est là, et même les touristes font partie des habitants, cette fois-là, temporaire bien sûr, mais font partie du voyage et les bus les attendent et les emportent. 
- Le soir, quand il repartira, le Betico attirera encore tous les habitants, ceux qui repartent sur Nouméa, ceux qui mettent du fret en cale, et les glacières, les glacières pleines de poissons et de seiches pêchées, et ceux qui accompagnent ceux qui partent, ceux qui regardent tout ça en se disant que le bateau reviendra, et que ceux qui en descendront seront de nouveaux arrivants, famille, frères et soeurs, cousins, pépé, mémé, touristes, tous débarqueront pour un nouveau jour, une nouvelle île habitée de nouveaux projets pour la journée.

Les rotations? Mercredi, samedi, dimanche, avec les vacances scolaires qui entrainent les modifications, les pannes de moteur, la météo... Les Kuniés vivent ça, eux les natifs de cette île, ils voyagent sans arrêt pour toutes les raisons administratives, professionnelles, familiales, personnelles, médicales, sociales. Ils paient le prix fort chaque fois, le prix d'être Kunié. Le prix de l'amour de leur terre. Le prix de la raison. "Je suis Kunié, je suis chez moi, je rentre chez moi. Et ça ils te le font payer.". 


CAPITAINE SAUVAGE: J'ai dormi sur la plage. Au lever du jour, Les fruits rouges de la marée. Simon est reparti hier soir par le bateau. Je suis seul aujourd'hui. Je suis passé sur Ouré, où j'ai mangé un poisson cru en t'écrivant cette lettre...

"J'ai levé le nez au ciel pour renifler l'univers. Il m'a transmis les intuitions de la journée. Chaque jour est une renaissance. Chaque jour remet tout en question. Chaque jour me revient l'amour que j'ai pour toi, comme une vague qui plaisante avec la gifle affectueuse qu'elle me rend, brutale et douce, toute en saveurs, toute en réponse joyeuse à mes interrogations. "Oui je suis là, oui je me suis caché pour te parler, oui je t'attends, oui je n'attends que toi, oui les étoiles sont toujours nos messages secrets, oui c'est toi mon chez moi, ma maison, dans la rivière câline de ta bouche, ma barque fait une pause pour toujours, oui c'est là que j'habite, oui tu es ma maison. Oui c'est une vraie torture, c'est un vrai cauchemar, une blessure ouverte, une plaie où s'abreuvent les démons, C'est une vraie souffrance, quelquefois d'être digne. Et c'est ta dignité que je défends, que je protège. Oh please, aime moi comme je t'aime, et je pourrai mourir enfin, mourir en mer, en atteignant le fond de l'univers, dans le mystère de la profondeur de ta chair. Oh please crois moi, c'est pas du baratin, putain, que c'est dur de dire simplement je t'aime.

A peine ces quelques mots jetés sur cette feuille, et la colère contre moi m'emporte. Encore un jour où je ne m'aime plus!."

- Quel orgueilleux ce Capitaine. Hé toi le blanc, parle-moi de l'amour! Tu fais comment toi, entre l'homme et la femme, raconte un peu! .





Demain ... demain ... je dis ... demain ... lundi, mardi, je dis jeudi, je dis demain... je dis... please, please, please, ma guitare, oh ma guitare, comme tu me manques ... chante moi de là-bas notre chanson que j'entende ta voix... Oh partager quelque chose, ma guitare, ma musique, partager quelque chose ... oh merde ...