C'est une chose simple, comme il est seul capable de les formuler.
"Tu vois quand j'arrive à l'île des Pins, je me mets sur le bord de la mer, et je regarde le soleil se coucher. Je le regarde tout le temps qu'il va mettre pour se coucher. Et avec lui, tout ce qu'il y a en moi, de mon coeur, de mon âme, et de tout ce que j'ai fait dans la journée, me revient, je repense à tout ça, et je revois tout ce que j'ai fait de bien et de mal. Je me dis, ah ben là, j'ai fait du bien à lui, et là j'ai fait du bien à eux, et là j'ai fait du mal ici à celui-ci, et le soleil finit par disparaître et il emporte avec lui tout ce bien que j'ai revu. Et puis la nuit est là. Et pendant toute cette nuit, tout ce bien est tout autour de moi. Et puis le soleil revient et se lève, et quand il revient, il revient avec tout le mal que j'ai fait la veille. Et je repense alors uniquement à tout ce mal que j'ai fait. Le bien, lui, pfft, envolé, disparu. Et le mal, lui, me questionne. Je n'ai pas la réponse, mais je me dis qu'il faut que je trouve un moyen de faire mieux aujourd'hui ou de réparer ce que j'ai fait hier, parce que le soleil me rapporte tout ça, et que c'est à moi de me mettre au travail. Je n'ai pas la réponse, mais je me dis ça, qu'il faut que je m'y remette. Voilà, tous les jours, le soleil s'en va avec tout ce bien, et me réveille au matin, avec tout ce mal. Bon, c'est comme ça!"
Et voilà ce qu'est capable de me dire un dimanche soir, Maurice, ce coeur ouvert sur l'homme.
Oui ma merveilleuse, ma magnifique, ma musique, ma chanson, un homme qui s'en remet aux forces de l'univers et qui s'interroge sur ce qu'il a fait chaque jour au soleil couchant, et qui chaque matin s'interroge sur ce qu'il fera pour répondre à ces questions qu'il se pose sur ses propres actes, un poète, un pêcheur, un homme qui semble savoir qui il est, et qui il devient chaque jour, mon île, ma belle île, qui navigue sur l'océan de l'espace, liée jusqu'à mes mains par l'indéfectible certitude d'être tous les deux un seul être d'une même fibre, toi, moi, emportés dans le tissage incessant des distances qui rassemblent et rejoignent les plages douces de nos âmes, nous.
dimanche 31 août 2014
vendredi 29 août 2014
QU'ELLE EST BELLE MON ÎLE, QUAND LA TEMPÊTE LUI FAIT DRESSER LES POILS SUR LES BRAS...
CLAN PÊCHEUR
Extrait...
- C’est parce que t’es avec un blanc, que tu te prends pour une blanche. Tu peux
pas t’en empêcher.
- Oui c’est le blanc qui m’a appris des choses. Qui m’a appris à m’affirmer.
Qui m’a appris à plus obéir, les yeux baissés, à toutes vos conneries de, « je
suis au bateau il faut que tu viennes me chercher », « oui c’est
tantine, il faut qu’on aille là-bas chercher ma sœur parce qu’on va au Bingo et
que je suis obligée de lui dire, parce que c’est ma grande sœur, et si elle
veut venir, il faut qu’on passe la chercher » ! Oui c’est mon mec qui
m’a aidé à vous regarder, à vous respecter, et à vous imposer aussi ma propre
vie, à respecter la famille, le lignage, et à lui opposer que le clan, lui aussi, il doit me
respecter, parce que je suis petite peut-être, peut-être je suis la plus petite
et la dernière, mais je vais pas foutre ma vie en l’air, parce que les sœurs et
les cousines sont jalouses, parce que je suis avec un blanc. Et que cette
pétasse en chaleur qui drague tous les mecs des autres, elle se croit donner des
ordres à ma mère, parce que la sienne est la grande sœur. Oui, je lui dis ce que
je veux lui dire, et je lui dis en face, et dans les yeux, et je suis pas son
esclave, et ma mère est pas son esclave, elle sait ce qu’elle doit faire et
comment il faut le faire. et ici cette pétasse, elle est chez nous, et elle se tait.
Et, oui mon cul et ma tête ils appartiennent à ce blanc, et c’est ça
comme ça, et c’est moi, et personne a rien à dire.
jeudi 28 août 2014
LES TRACES DU PERDU...
CLAN PÊCHEUR
Extrait...
Elle cherche des traces. Elle
sort de ce bistrot quand elle entend le violoniste s’éloigner sur le quai en
jouant sa chanson, et de ses yeux inondés de larmes de rhum elle cherche les
traces. Les palimpsestes parfumés des baisers savourés. Les signes rétiniens du
visage brouillé par la brise de la mer. Le sel de la salive et le sucre du
désir. Le lent balancement de leurs deux corps bousculés par les souffles
arythmiques de la marée qui monte. Les traces sont-elles la preuve écrite du
passé ? Les traces sont-elles le cœur battant de la réalité ? La
certitude de l’existence des choses ? Les doigts qui palpent le muscle du
vrai, de l’authentique ? Les traces aux mains douces qui caressent la
peau? Qu’est-ce que le souvenir ? Ce voyage douloureux à la recherche du
temps perdu ? Où est le perdu ? Dans quelle maison de son corps
habite-t-il ? Est-ce qu’une poche assez vaste peut le contenir dans sa
peau ? Où est le vase qui abreuve la fleur du présent, ce présent assoiffé
qui ne meurt pas.
Elle est aujourd’hui cette
jeune femme qui sortait du bistrot après avoir bu d’une seule inspiration trois
verres de rhum. Elle est celle qui rêve toutes les nuits d’une baie de sable de
corail fin comme la farine de blé dur. Elle est celle qui recueille les lettres
de sa grand-mère et s’étonne d’y retrouver une part d’elle-même. Elle est celle
qui s’allonge la nuit dans un lit et se réveille sur une natte, avec la musique
de la houle dans les cheveux, une mèche barrant son visage, les yeux grands
ouverts sur l’interrogation. Elle est celle qui a pris les pierres de cette
maison, une après l’autre pour protéger la boite précieuse qu’un gamin a un
jour offert à sa grand-mère.
Elle ignorait tout. Quand elle
est née, il n’y avait rien. Pas d’océan, pas de lagon. Elle en a la certitude
et la réalité la fait mentir. Elle sait qu’elle rassemble souvent par son
esprit toutes ces femmes qu’elle est et qu’elles ne font plus qu’une seule et
même personne. Elle sait que la réalité n’existe pas, et que ce qu’elle vit
avec ses rêves, ses visions et les tremblements de son ventre, est une autre
vie, inexpliquée peut-être mais la vraie vie quand même. « Oui je peux
être à plusieurs endroits en même temps plusieurs femmes différentes. Dans le
monde où je navigue le temps n’existe plus, l’espace peut avoir sept, dix, onze
dimensions, et me voilà rassemblant tous les hommes qui m’attendent en un seul
homme. Le gamin, Capitaine Sauvage, le pêcheur, le violoniste, celui que
j’embrassais éperdument sur la jetée du port avant de me saouler de rhum blanc.
Nous nous rassemblons tous et nous partons main dans la main, droit devant
nous. Ces lettres grand-mères n’ont pas d’âge et pourtant le papier porte les
traces des marques du soleil, de la chaleur ou de l’humidité. Ces lettres que
tu as reçues, que ce gamin t’a offertes un jour dans cette belle boite, ces
lettres écrites pour toi s’adressent à moi bien plus encore. »
mardi 26 août 2014
ELLE: QUAND JE T'ATTENDS...
CLAN PÊCHEUR
Extrait...
SIMON: Laisse faire le temps...
ELLE: Tout ce flot volumineux qui s'échappe...
SIMON: Laisse le faire...
ELLE: Cette cascade ...
SIMON: Laisse le faire... le temps...
ELLE: Oh ce mot, le temps...
Me coller contre lui, le laisser m’envahir,
Pour se débarrasser des mouvements poivrés qu’il doit faire sans moi?
Il faut vider les secondes où je m’allonge sans lui?
Il faut vider les paupières quand j’ouvre les yeux sans lui?
Entrer dans le devant de mon être et l’habiter sans lui?
Vider l’esprit de son existence?
Vider l’esprit du bruissement de son existence en moi?
Laisser mon esprit s’échapper de ma propre existence?
Voyager jusqu’à son infime respiration,
Plonger dans le secret de l’œil qui l’enveloppe?
Nager jusqu’à l’eau de la baie,
Ouvrir les bras, les jambes?
Inspirer le sel, et le sucre de l’océan,
Combler la distance entre les horizons?
Me projeter en un, en deux, en mille fronts de nuages gonflés,
Galoper les doigts posés sur les liens de sa crinière,
Défaire les pierres enroulées dans ses nattes,
Tisser les ponts, les rivières, les arbres,
Vivre, vivre, vivre ces instants fatigués que ses gestes construisent?
Entrer dans le feuillage frissonnant de son souffle.
M’y blottir exactement.
M’y blottir exactement!
Oh, m'y tenir exactement,
Me tenir sur le vivant!
Retenir exactement ce lui en moi, être dans lui, y être moi.
SIMON: ... laisse le faire... ce que tu vis nous fait vivre... tu le vivras... tu nous emporteras...
lundi 25 août 2014
IL Y A QUELQUE CHOSE D'INTACT CHEZ LUI...
« Quand je mêlais à la mer
mes larmes amères, quand je gémissais sous mon fardeau, tu souris, remplie
d’une force qui venait du ciel, et je sentis naître en moi assez de courage
pour supporter tout ce qui pourrait arriver. » Shakespeare "La Tempête"!
"ELLE: Les mecs, ils ont tous une partie
d’eux-mêmes, qui chante leurs louanges. Ils se complaisent dans leurs propres
erreurs comme s’ils en avaient obtenu le pardon, la justification, jusqu’à
pouvoir frapper et encore et encore en toute justice. Même les dieux sont
contre nous – avec le sang si les dieux ont un sang, avec la tête si les dieux
ont une tête, avec leur main s’ils ont une main - ils ont écrit la prière de l'absolution de l’homme qui bat sa
femme.
Mais pas Simon, parce qu'il y a quelque chose d'intact chez lui, et que ceux qui le suivent espèrent peut-être voir se briser cette fragile partie de lui-même."
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