Où suis-je? Dans quel fleuve du temps suis-je tombé. Je regarde l'horizon et je sens mon île disparaitre sous mes pieds. Où t'en vas-tu belle île? La nuit a fait naitre une lune projecteur qui a vu entrer dans la baie la goélette des colons blancs. Ma merveilleuse, ma magnifique, te voilà partie bien loin de moi. La peur? Tu ne risques rien. Le début de la chanson tourne sans cesse devant mes yeux. Ne m'abandonne pas. Please. Mes pieds prennent l'eau. Le sable s'effondre sous moi quand tu n'es pas là. Je perds l'équilibre et forcément je tombe dans le gouffre. Le vide. Splash!!!! Dans l'eau. Me voilà dans la mer. Éparpillé dans les milliards de molécules de l'écume qui bout, je sens ton parfum d'orchidée, puis je sens le goût du cuivre des pétales gonflés, et je sens les doigts de la mer prendre ma main, mon corps se décompose, tout au bout de moi, il s'échappe en vibrations de l'esprit. Je m'envole. Dans ma main gauche, un tissu jaune faseille entre mes jambes, et claque comme un drapeau, dans ma course d'oiseau marin.
Vivre avec les kuniés me fait voir le monde à travers leurs yeux. Quand je
raconterai l’histoire du Clan Pêcheur, je la raconterai à travers les yeux de
Maurice le Chef de Clan. Il ne verra que des blancs dans son histoire. Mais le
spectateur verra les bateaux français arriver. Les bateaux anglais arriver. Les
français prendre possession de l’île. Les anglais rager de voir les français
propriétaires de cette île qu’ils convoitaient. Il a vu arriver un objet inconnu, jamais vu à ce jour pour lui. Un objet magnifique c'est vrai qui l'a étonné, ravi, émerveillé.
J'ai trouvé ces dessins sur les murs de l'école de Vao. Le bateau qu'il a vu arriver.
La réponse qu'il lui a envoyée.
Tu aurais répondu quoi, toi, au chasseur blanc qui crevait du sillon de sa barque, le corail blanc de ton île?
A demain