jeudi 16 janvier 2014

LE PAYS OU L'ON VA - THEATRE MESSAGER DES AMOURS









Mon île aux bras de bois tendre, mon ciel où passe mon sang, ma vie où j'attends, d'ouvrir les yeux sur le pays invisible




Nous jouerons bientôt "Pacamambo", et le rêve prendra naissance dans la bouche des enfants.



Ils ont navigué la moitié de la nuit. Quand ils ont abandonné le comptoir d’étain, chargé de verres transparents exhalant la vanille, le citron vert et le sucre roux, mous animaux marins échoués sur le sable, ils ont enfilé les vareuses er les bonnets de laine, et la goélette a discrètement largué les amarres. Le violoniste a couché l’instrument dans son duvet, et l’a calé sur son flan droit. Il l’aime son violon. C’est un amour sans interrogation. C’est un dialogue, et l’amour du dialogue aveugle des doigts et des entrailles avec la poussière magique des étoiles gelées dans la perfection voûtée des galaxies. Quand il pose une phalange striée sur la corde … il la sent rouler jusqu’au cœur de son âme. Elle miaule et son souffle murmure la plainte grave des phrases impossibles qui galopent sur la crête des assauts d’émotion qu’il saisit de ses mains. Viens. La musique arrive. L’étrave de l’archet ouvre la voie sur le sel de l’entrée du port. Passée la digue, la chanson enfle et la houle se forme, les voiles se tendent et la coque légère s’envole, ferme et droite, dans un sourire. Il dort. Il a fermé les yeux et laisse Capitaine Sauvage barrer la route de l’embarcation. Cap droit sur Isolella, ils flottent et flotteront jusqu’ au lever du jour. Les lettres sont en sécurité dans la petite boite de bronze. Il dort. Il a fermé les yeux et malgré lui la chanson se forme et se reforme dans son esprit. Le rythme et les secousses de la mer qui respire donnent aux harmonies l’élan d’une valse régulière. Il chante



Mon doux amour toujours devant

Te voilà maintenant qui te penche

Mon tendre amour de fruits sauvages

Les griffes des buissons se tendent sur tes hanches

Nous ne voulons pas que la terre

Nous voulons les étoiles

Nous ne voulons pas qu’un moment

Nous voulons plusieurs vies



Mon bel envol mon mouvement

Ma belle épaule où tu suspends

Mes mots mes lettres et l’air du temps

Ma lèvre rouge où vient le vent



Nous ne voulons pas que les jours

Nous voulons tout l’espace

Nous ne voulons pas que l’amour

Nous voulons l’éternel



Je ne veux que tes yeux

Ouverts les cils immenses

Et l’univers étincelant

Qu’ils offrent en silence



Rien que ce doux murmure

Ce bras léger qui tremble

Rien que le poids de plume

Du doigt qui redécouvre

Nous ne voulons pas que nous aimer

Nous voulons fusionner

Nous ne voulons pas que nous manger

Nous voulons nous brûler



Pfffft comme une étoile

Le jour se lève. Mon île, ma merveilleuse, je vois la côte mauve de la Corse, je sens les eucalyptus exhaler la fleur de leur écorce fragile, je sens remuer sous mes pieds l'eau du golfe qui nous mène vers toi, je sens les fourmis de l'amour qui montent dans mes veines, je vais t'emmener dans le maquis, je vais te chanter les valses des arbouses, les chants des sirènes, le sang des oursins, la transparence d'Isolella.