mercredi 15 janvier 2014

DOUX TSUNAMI DU TEMPS VELOURS DROIT DU THEATRE



Mon île, ma merveilleuse, ma guitare de cuivre, mon soleil et ma nuit, ma lune sur l'autoroute, mon inspiration, ma muse,  ma lumière, il était une fois l'histoire de cette femme qui flotte épinglée sur la surface de l'océan pacifique, cette jeune belle femme qui regarde le monde et a besoin de le regarder encore, et encore et encore avant de mettre un pied devant l'autre et de franchir le millimètre qui va ouvrir sa chemise et libérer le souffle de son esprit... Elle a peint toute la nuit sur les abats-jours de coton des lanternes magiques. C'est elle qui fait rêver les visiteurs de la soirée, les acheteurs des marchés colorés, les somnambules du soleil, photographes à deux balles, qui sillonnent son île et la blesse souvent. C'est elle qui fait rêver et qui habite le sien de rêve avec passion, ferveur et un trac de déferlante, question brûlante qui prend tout son esprit. "Je veux être ta tortue verte qui aspire une goulée d'air et reprend son chemin, je veux être suspendue dans le ciel comme elle l'est dans l'eau, entre deux bleus, entre deux traits, entre deux tsunamis".


Le ciel de gélatine lavande est brusquement déchiré par le trait blanc d’un avion qui passe. Etendue sur le carrelage blanc de la cour d’Isolella, elle ouvre les yeux sur la déchirure bleue que le trait blanc fait saigner de petits nuages de gouache pointue. Le marché bigarré, rayé de cris arrogants et de langue corse pousse la foule pressée d’un côté puis de l’autre. Protégée par le mur de pierres sèches et les feuilles des oliviers, elle se laisse ouvrir par les sons des pas multiples des espadrilles de corde rèche. Ils la piétinent et la caressent, la violent et la rassurent, la gênent et la soutiennent. Que fait-elle abandonnée de la vie des debouts et des randonneurs de l’été ? Que fait-elle étendue guettant le signe de la réponse aux questions qui la mitraillent? Elle regarde le nord le sud et les cercles effrayants de l’ouest et de l’est.
Elle voit la mer devant, elle voit les murs derrière, elle voit la tribu sur sa droite, la tribu sur sa gauche.
Elle voit, elle voit.
Est-elle forcément le centre de cet univers spirituel?
Est-elle forcément la clé qui anime ce petit monde?
N’y a-t-il qu’une clé pour animer ces âmes de papier?
Elle regarde passer le bateau blanc, voiles gonflées et sillage parfait « je veux être sur ce bateau ». Elle voit la jetée et le quai de béton où son homme titube sous ses baisers « je veux être dans ses bras ». Elle voit le parfum du rhum blanc traîner sur sa bouche quand elle chante au violoniste les mots de langue souple, voyelles arrondies qui font de sa bouche une invitation au désir « je veux être dans la musique ». Elle voit les filets du pêcheur de Kanumera « je veux être sur le sable devant lui, coquillage tremblant sous sa bouche froissée ». Elle voit, elle voit, elle voit comme une étoile qui domine la voûte essoufflée de la planète, elle voit comme une enfant qui pose un sac presque vide et dit « voilà ». Elle voit comme elle ouvre les yeux sur les multitudes lumineuses qui éclairent son chemin aujourd’hui.


Elle voit tout ça et elle se laisse emplir par l’émotion de la conscience de sa vie, si pleine, si onctueuse, si galopante, si douce et dangereuse, si vivante et palpitante, sa vie qu’elle tente de retrouver dans les mots d’encre de ses lettres, dans les nuages qui fabriquent l’avenir souffle après souffle, dans « la vie est un cadeau et j’ai bien l’intention d’en savourer chaque bouffée, chaque bouchée, chaque caresse », lève-toi ma poulette et cours.

A demain