jeudi 17 septembre 2015

L'INSTINCT DU THEÂTRE


 Elle était là. Justement aujourd'hui.

Qu'est-ce qu'il regarde celui qui s'assoit là?


 Ou celle qui s'assoit là. Qu'est-ce qu'elle regarde? Je l'ai trouvée là, quand les questions affluent sur le sens de la vie qu'on s'oblige à consacrer aux gens. Est-ce que ce sont les gens qui justement ont installé cette jolie chaise pour rassasier en eux le besoin de voir, d'assister, de contempler, de jouir d'un spectacle? Pourquoi voulait-elle jouer le rôle d'une réponse?

 


 Elle était là et faisait face et faisait dos. Elle attendait que les braises grillent du bonheur pour la langue, que le vent rapporte les parfums et les cris de l'amour, que les branches se penchent dans leur pas de danse pour que les rires du plaisir se sèment eux-mêmes et prennent racines, comme les palétuviers, pour que l'image de la mer derrière les sapins revienne en vagues tourbillonnantes, pour regarder l'île se resserrer sur sa mangrove, et qu'elle surgisse enfin, le sourire entre ses dents comme un piano qui chante, un spectacle devant la chaise posée pour elle, l'exceptionnelle femme de toute une vie. Parce que c'est une femme qui a posé cette chaise. Je ne sais pas qui, je ne sais pas. Mais c'est une femme qui veut en voir une autre. Qui veut voir l'autre. Quand elle se consacre aux autres elle aussi.






Elle attend le chapiteau.

Elle est sortie de la nuit enveloppée des nuages d'un autre jour, et elle attend maintenant.

Je me suis assis, dans l'herbe et j'ai regardé ce qu'elle regardait. Je suis entré en elle, je suis devenu elle. Et j'ai vu.




Aujourd'hui est un jour de bonheur.

A afficher sur le frigo de tous les jours.