jeudi 6 février 2014

THEATRE DE L'EAU

Mon île Mon île Mon île Mon île 
il y aura des soies des cotons des étages en forêt en canopée en troncs lisses en feuilles géantes en dessins d'encre bleue en portraits quelques traits villes endormies en étoiles filantes en marches éternelles pendant que les autres dorment en minuscules secondes en millimètres en millièmes de millimètres en rien en villes inconnues en Italie en Sud en Nord  en Naples en Florence en Sicile en Corse en île Mon île Mon île Mon île Mon île... en Merveilleuse en Magnifique en Musique en Air froissé en Bouches veloutées en Parfums d'orchidées en Tout en Tout en Tout pendant que les autres dorment. J'ai croisé une étoile filante cette nuit, elle m'a fait un signe que je reconnais bien, je me suis dit, elle est là, elle est bien là, elle rit, elle est bien là...


 SCENE...

 LUI: Je me suis dit ça la première fois. Quand j'ai osé, la première fois, m'approcher. Oh pas beaucoup. A peine quelques mètres. Elle avait les paupières baissées.
Quelques secondes volées pour pouvoir lui parler. Quelques secondes précieuses, longues et furtives, éternelles et microscopiques, pour pouvoir lui parler, avec mes mots, avec mes yeux, avec mon énergie, avec mes vibrations, mes forces intérieures, mes entrailles, mes deux cerveaux, mes deux mains, mes signes, mes lumières, mes essoufflements, mes chuchotements, mes larmes et mon rire :
"Ton corps et tes pensées ne peuvent être changés. Ton corps t’appartient et tes pensées t’appartiennent. Tu es irremplaçable. C’est dans l’élan de cette certitude que tu prends conscience de ta liberté. De ce qu’est la liberté, la tienne. Elle aussi est irremplaçable. Tes pensées et leurs désirs, ton corps et ses désirs, c’est ce qui te rend libre. En ça ta vie sera toujours celle que tu choisiras en vertu de tes pensées et de ton corps. C’est là dans cette liberté à l’état pur que tu ressens la Grande Solitude des êtres irremplaçables et libres, et que tu comprends que tu es seule au monde. Et que je suis comme toi. Et que tu es comme moi."






Du fond de la tribu et de la sagesse des aînés, elle compte les vivants. Puis elle compte les morts. Effrayée par la différence de ces deux nombres, elle regarde autour d’elle pour recompter ses vivants à elle. Elle regarde ensuite la terre sur laquelle ses pieds nus palpitent et recompte ses morts. Ils sont tellement plus nombreux. Alors les yeux ouverts dans le ciel qui la domine, elle voit passer la dimension de ce qu’elle vit sur l’instant, et de ce qu’elle vivra bientôt, demain, et encore demain. Elle sent sa pensée accélérer la visite de ce temps devant elle, et soudain la perception infime d’une fin trace un trait dans les étoiles, une limite qui lui suggère la sensation de la durée, le poids de ce qu’elle peut vivre, et le reflet de ce qu’elle peut ne pas choisir, et peut-être rater. Deux limites et deux voies, deux portes et deux directions, deux, puis trois, puis quatre, puis une infinité de destins qui se découpent, et se recoupent, et se croisent et s’éloignent, et divergent et se perdent, et s’opposent et se retrouvent, et se perdent à nouveau.

Elle compte une nouvelle fois les membres de la tribu, puis les membres du clan, les pères et les mères, les cousins, les sœurs, les frères, et son visage se penche vers les esprits des morts qui reposent dans la terre. Elle tape de ses pieds, suit le rythme du « pilou », et tape encore et encore, jusqu’à ce que la transe l’envahisse et qu’elle entende les voix. "Oui, dansons, dansons, dansons tous les deux, dansons, dansons, avant qu’il ne soit trop tard, parlons, parlons, parlons avant qu’il ne soit trop tard, murmurons, murmurons, murmurons les choses impossibles, l’histoire des vies passées et l’histoire des vies à venir. Demain, demain, demain, demain… dansons jusqu’à ce que le bâton tombe, dansons jusqu’à ce que le bâton brûle ma main, dansons jusqu’à ce que les corps épuisés tombent, soufflent et s’endorment… dansons…"





Le chef s'est approché. Ce qui les a séparés. Il n'a pas vraiment fait ce geste pour couper le dialogue. Il n'a pas vraiment dit qu'il avait compris ce qui se passait. Il n'a rien dit, rien fait, comme si ça n'existait pas, comme si c'était maintenant à eux d'effacer tout ça, et de faire que ça n'existe pas, que ça n'ait jamais existé.

......... à suivre.

L'eau. Que c'est beau l'eau. Qu'est-ce qu'il peut y avoir de plus beau que l'eau. L'eau qui emplit mes rêves chaque nuit, dans les millimètres de sommeil que ma liberté m'insuffle. L'eau qui emplit tes rêves aussi. D'où vient toute cette eau. Mais qu'elle est belle. Que c'est beau l'eau. L'eau. Mon île et mon eau.


A toi à qui je parle à toi à qui j'écris


A demain